Histoire d’un village : Pilga, les Yarsé et le fétiche

Publié le jeudi 30 mars 2017 à 00h45min

PARTAGER :                          
Histoire d’un village : Pilga, les Yarsé et le fétiche

Connaissez-vous l’histoire de Pilga et de ses autochtones les Yarsé ? Situé à 165 Km de la ville de Ouagadougou, il relève du secteur n°5 de la commune de Tougouri, dans la province du Namentenga. Plus de 1800 personnes y vivent, selon le recensement du District sanitaire de Tougouri. Cette population se compose essentiellement de trois entités ethniques : les Yarsé, les Moose et les Peuls. Nous y étions le lundi 20 mars 2017. Voici ce que nous ont dit le chef de Pilga et Zougmoré Jean Aimé, agent d’une ONG à Tougouri.

« Les autochtones de Pilga sont des Yarsé originaires de Ouagadougou et le commerce était leur activité principale. Jadis, le village de Boula (qui deviendra Boulsa) dans le Namentenga actuel était à la recherche d’un chef. Pour ce faire, des notables se rendirent à Ouagadougou chez le Mogho-Naaba. Là, on leur désigna les potentiels successeurs au trône parmi lesquels les visiteurs choisirent un jeune garçon. Mais avant de reprendre le chemin pour Boula, ils décidèrent par la magie de marquer l’enfant en le rendant infirme », nous raconte le chef de Pilga, Naaba Gningré.

« Trois ans après, poursuit-il, ils revinrent à Ouagadougou pour ramener le jeune garçon. Le Mogho Naaba fit sortir tous les potentiels successeurs et ils reconnurent le « Nao mensé », c’est-à-dire l’infirme, le handicapé. Pour le retour à Boula, un fétiche devait accompagner le futur roi. Ce fétiche devait être transporté sur la tête d’un homme dans une sorte de panier appelé « Pilgou » en mooré. Deux hommes valides se portèrent candidats pour transporter le fétiche. Mais sans succès. Ils ne réussirent pas à bouger. Selon la coutume, seul un « Yarga » de teint clair pourrait accomplir cette tâche. Un homme du nom de Bemba de la communauté des « Yarsé » répondait aux critères exigés.

« Lorsqu’il arriva, Bemba porta le fétiche et avança sans difficulté », nous raconte Jean Aimé Zougmoré, auprès de qui nous avons recueillis quelques informations. Selon celles-ci, « Le cortège arriva à Boula après un long voyage. Quelques temps après l’intronisation du roi « Nao mensé » (transcrit plus tard « Namendé(1) »), les Yarsé décidèrent de rebrousser chemin et de regagner Ouagadougou. Epuisés en route, ils décidèrent de marquer une halte à quelques encablures de l’actuelle commune de Tougouri. N’ayant pas de point d’eau à proximité, ils creusèrent un puits d’où jaillit de l’eau en abondance ».

La délégation avait là une bonne raison de ne plus retourner à Ouagadougou. Et « comme tout le monde avait pu se désaltérer, elle baptisa le lieu « Sekdo » ce qui signifie en mooré « l’eau nous a suffi ». Le nom « Pilga » est quant à lui, une déformation de « Pilgou », le panier qui a servi au transport du fétiche. Pour les autres communautés, c’est le lieu où les porteurs du fétiche de Naaba Namendé se sont établis. Pour s’y rendre, ils disaient : « D dabda sen tuk-b pilgân nengê » ou « nous allons là où ceux qui ont porté le Pilgou se sont établis ».

Selon Naaba Gningré, le chef actuel de Pilga, ces faits historiques remontent au XVIème siècle, au début du règne du fondateur du royaume de Namentenga, le Naaba Namendé, fils et Ku-rita(2) du Mogho Naaba Wubri.

Aujourd’hui, les principales activités menées à Pilga sont l’agriculture, l’élevage et le commerce. L’islam, le christianisme et la religion traditionnelle y sont pratiqués. Les fêtes traditionnelles sont au nombre de deux : le « Ki toaga » qui s’apparente au nouvel an et le « ki noogo » qui se fête après les récoltes.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

(1) C’est le vocable « Nao mens tênga » ou « territoire du handicapé » qui fut transcrit Namentenga.

(2) « Autrefois, la coutume moaaga voulait qu’à la mort d’un naaba (détenteur du naam), l’on désigne temporairement parmi ses jeunes fils l’un d’eux pour gérer les affaires courantes. Durant ce temps, celui-ci prend le nom et les attributs du défunt et est perçu comme son incarnation : le Ku-rita, c’est-à-dire celui qui « mange » le deuil ou celui qui incarne le défunt. Après les funérailles, un nouveau naaba est choisi parmi les fils-aînés et le ku-rita, à l’image de celui qu’il incarne est éloigné du palais pour ne plus jamais y revenir. On lui trouve un territoire de commandement où il peut aussi devenir chef. Boulsa aurait été fondé par un ku-rita prénommé Namendé ».

Sources :
• Chef du village de Pilga et Jean Aimé Zougmoré, agent d’une ONG à Tougouri
• « Catégories de chefs de la royauté de Bulsa d’hier et d’aujourd’hui », article écrit par Dr Vincent Sédégo, Chargé de recherche en histoire africaine à l’INSS/CNRST (http://lefaso.net/spip.php?article59429)

PARTAGER :                          
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique