Programme FASO : Quand les communautés prennent en main leur destin

Publié le lundi 24 avril 2017 à 01h15min

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Programme FASO : Quand les communautés prennent en main leur destin

Au rang des programmes qui ont fait de la lutte contre l’insécurité alimentaire leur cheval de bataille, figure le programme FASO (Families Achieving Sustainable Outcomes), les familles réalisent des acquis durables. Mis en œuvre depuis 2010 par l’ONG Catholic Relief Services en consortium avec l’OCADES Kaya et Tin Tua dans les districts sanitaires de Tougouri, Manni et Gayéri, ce programme a trois grandes composantes : l’agriculture, la santé-nutrition-eau-assainissement-hygiène, et la gouvernance locale. Du 20 au 23 mars 2017, une équipe de journalistes s’est rendue sur le terrain pour découvrir et partager les bonnes pratiques et innovations de ce programme.

Insécurité alimentaire. Deux mots, une complexité, une urgence pour les Organisations non-gouvernementales implantées dans les pays d’Afrique sub-sahariennes. Plusieurs projets et programmes ont été mis en œuvre dans nombre de localités afin de renforcer la résilience des populations à ce phénomène mais combien ont-ils survécu, faute d’une réelle appropriation par les communautés bénéficiaires ? Pour le programme FASO mis en œuvre par Catholic Relief Services avec OCADES Kaya et Tin Tua, l’implication des populations pour un développement participatif est capitale pour la pérennisation des acquis engrangés depuis 2010 dans les districts sanitaires de Tougouri, Manni et Gayéri. Pour ce faire, il a formé les structures locales telles que les Conseils Villageois de Développement (CVD) et les Associations des Usagers de l’Eau (AUE). A Dakiri et à Pougdiari, dans la commune de Manni, le CVD et l’AUE font cas d’écoles.

Un CVD exemplaire

Dakiri abrite l’un des Conseils villageois de développement les plus dynamiques de la commune de Manni. Mis en place le 3 avril 2014, le bureau de ce conseil présidé par Kankanfé Yarga et fort de 12 membres (dont 4 femmes) a réussi en quelques années à donner un nouveau souffle au village grâce au programme FASO qui lui a dispensé un paquet de formations afin de promouvoir le développement à la base. Le CVD a été outillé sur son fonctionnement, le rôle et les responsabilités de ses membres. Tout cela a permis de renforcer la gouvernance interne participative au sein du CVD qui autrefois n’était réduit qu’à la seule personne de son président, rappelle Edwige Gaméné, coordonnatrice terrain gouvernance locale du programme.

Afin de se doter d’un référentiel de développement cohérent et inclusif, le CVD de Dakiri a procédé à l’élaboration d’un plan d’actions communautaire triennal 2015-2018 avec l’appui du programme FASO. De ce plan, plusieurs projets ont été matérialisés. Il y a, entre autres, la construction du Collège d’enseignement général (CEG), la réhabilitation de la toiture d’un bâtiment de l’école primaire, la création d’un bosquet. Quant au programme FASO, il a doté Dakiri d’un site maraicher aménagé, d’une motopompe, d’intrants et de matériel agricole pour la production au niveau du site qui compte 73 producteurs dont 43 femmes. Grâce à une bonne gestion des ressources mobilisées au niveau des populations (500 F par an pour tout jeune d’au moins 18 ans), le CVD de Dakiri peut bien s’enorgueillir d’avoir 243 000 F CFA dans son compte. La voie pour l’autonomisation est donc tracée et la femme y joue un rôle important, selon le président du CVD, Kankanfé Yarga. A l’en croire, Dakiri est devenu un cas d’école pour les CVD de Pougdiari, Nagbingou et Tambiri, prêts à importer les bonnes pratiques en matière de gouvernance locale.

Une AUE pour gérer quatre forages

A Pougdiari, village situé à quelques encablures de Manni, la gouvernance des infrastructures hydrauliques n’a plus de secret pour l’Association des Usagers de l’Eau (AUE), ce, depuis 2016, soit trois ans après sa création. Forte de six membres, cette association guidée par les principes de transparence et de redevabilité connait désormais son rôle et ses responsabilités grâce aux formations reçues du programme FASO. Les cotisations perçues auprès des habitants en raison de 1000 F pour chaque homme et femme mariés, permettent à l’AUE de réparer avec diligence les pannes au niveau des forages et de s’acquitter, auprès de la mairie de Manni, des frais de redevance pour le suivi préventif des quatre forages (10 000 F CFA par forage et par an).

Grâce à l’éveil des consciences et la compréhension de son rôle, l’AUE sait attirer l’attention des élus locaux lorsque le suivi préventif des forages n’est pas fait. En attendant, selon le trésorier, Bourgou Tissa, le recouvrement des cotisations se fait sans difficulté et les membres de l’AUE ne bénéficient d’aucun traitement de faveur pour ce qui est de leur contribution. Avec 224 000 F CFA dans son compte, l’Association des usagers de l’eau de Pougdiari, selon son trésorier, est en train de mobiliser des fonds à déposer comme caution au niveau de la mairie pour demander un nouveau forage.

Le Care Group enseigne et le Scoreboard suit l’évolution des changements

Rappelons qu’en plus de la composante « gouvernance locale », le Programme Faso intervient également dans « Agriculture » et la « santé-nutrition, eau potable-assainissement-hygiène ». Ces deux volets enregistrent également de nombreuses bonnes pratiques et innovations dont les journalistes ont pu être témoins. Ainsi, à Pilga, un secteur de la commune de Tougouri, les journalistes ont rencontré les « Mères leaders » qui contribuent, au sein d’un Care Group ou groupe de soutien, à bouter la malnutrition hors du village par l’adoption de pratiques appropriées en matière de santé-nutrition et d’hygiène. L’autre combat de ces mères leaders, c’est de convaincre les femmes à fréquenter les centres de santé notamment pour les consultations prénatales. Les Mères leaders font également des démonstrations culinaires en vue de promouvoir l’utilisation des aliments locaux pour la préparation de bouillie enrichie. Elles effectuent des visites à domiciles pour s’assurer que les femmes membres du Care Group suivent les conseils prodigués lors des animations.

Afin d’impliquer les communautés à la base dans le suivi de l’évolution des indicateurs dans sa composante santé-nutrition, Pilga fut l’une des premières localités à abriter un scoreboard ou « mur de la santé ». Depuis l’implantation de cet outil novateur de suivi-évaluation en 2014, ce sont 02 indicateurs (dépistage de la malnutrition et l’accouchement assisté) qui sont régulièrement portés à la connaissance de la communauté lors des assemblées trimestrielles de mise à jour du Scoreboard. L’analyse des résultats capitalisés des différentes mises à jour du scoreboard de Pilga montrent des progrès substantiels pour chaque indicateur traqué. Ainsi, avec un taux de départ de 11,63% pour les enfants de 6 à 59 mois dépistés malnutris aigus modérés (MAM) et malnutris aigus sévères (MAS) dans le trimestre juillet à septembre 2014, le taux est tombé à 0% depuis le trimestre janvier à mars 2016. Depuis lors, aucun cas de ces MAM/MAS n’a été détecté. Quant au taux d’achèvement des consultations prénatales, il est passé de 8,70% au trimestre juillet à septembre 2014 à 55,55% au trimestre octobre à décembre 2016.

A Bossongri, village de la commune de Thion, le changement de comportement est effectif grâce à l’approche GASPA (Groupes d’apprentissage et de suivi des pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant) qui a sonné le glas des accouchements à domicile et fait reculer la malnutrition, autrefois première cause de mortalité infantile. « Grace aux sensibilisations, les femmes savent comment gérer une grossesse jusqu’à l’accouchement et comment allaiter et nourrir un nourrisson à base d’aliments locaux nutritifs jusqu’à l’âge de 23 mois », témoigne Lankoandé Dahandi, agent de santé à base communautaire. Le GASPA est un groupe homogène (femmes enceintes, femmes allaitantes, mères d’enfants de 6 à 23 mois) pendant que le care group est un groupe hétérogène. Cependant les deux approches abordent les mêmes thématiques et les mêmes techniques d’animation.

Balamanou, un village qui côtoie la propreté

A Balamanou, l’hygiène est désormais ancrée dans les habitudes des habitants grâce à l’Assainissement Total Piloté par la Communauté (ATPC) mis en œuvre par le Programme depuis février 2014. Au début des activités d’assainissement, d’eau potable et d’hygiène dans le village, seule une concession sur 20 disposait de latrine. Au regard de cette situation, le programme FASO a adopté l’approche ATPC sans subvention qui a consisté à accompagner la communauté à prendre conscience du péril fécal et à prendre un engagement communautaire pour un changement de comportement durable en matière d’hygiène et d’assainissement. Elle est fondée sur la stimulation d’un sentiment collectif de dégoût et de honte chez les membres de la communauté en les confrontant à la réalité de la défécation à l’air libre. Grâce à l’ATPC, chaque concession dispose aujourd’hui d’au moins une latrine construite sans une quelconque subvention de la part du programme. Aussi, a-t-il été donné de constater que chaque femme dispose, partout où elle va, d’un pot pour les besoins de son enfant pour éviter que les enfants comme les personnes adultes ne défèquent à l’air libre.

Le programme FASO a donc permis d’éveiller les consciences des populations dans sa zone d’intervention afin qu’elles prennent leur destin en main. Pour le coordonnateur national, Edouard Nonguierma, Catholic Relief Services et ses partenaires peuvent être fiers qu’après le programme, les acquis resteront durables car des bonnes pratiques ont été adoptées par les communautés.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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