Situation à Yirgou : Une mission conjointe évalue l’assistance humanitaire pour les déplacés

Publié le mardi 16 avril 2019 à 15h38min

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Situation à Yirgou : Une mission conjointe évalue l’assistance humanitaire pour les déplacés

Du 16 au 18 janvier 2019, une mission d’évaluation conjointe conduite par le Conseil national du secours d’urgence (CONASUR) s’est rendue dans la région du Centre-nord (Kaya), après les violences à Yirgou. Cette mission est allée évaluer l’assistance humanitaire d’urgence pour les personnes déplacées internes suite aux violences. Nous vous proposons dans cet article une synthèse du rapport de la mission.

L’on se souvient encore de ce funeste 1er janvier 2019 où le chef du village de Yirgou, dans la commune de Barsalgho, ses deux fils et trois autres personnes ont été assassinés par des hommes armés. S’en suivirent alors des représailles contre la communauté peule accusée d’avoir abrité les malfaiteurs. 49 personnes, majoritairement des hommes trouvent la mort. Conséquence, plus de 12 000 personnes en majorité des femmes et des enfants quittent leurs foyers et trouvent refuge à Barsalgho et dans d’autres localités.

Puis les 10 et 15 janvier 2019, ce sont des communautés à majorité mossis de la localité de Gassiliki dans le Département de Arbinda qui sont attaquées, faisant là également une vingtaine de morts. Ces attaques résultent selon les informations recueillies dans le rapport, des violences de Yirgou. « Il ressort des entretiens avec les déplacés que cela est une réplique aux malheureux évènements de Yirgou, ce qui fait craindre une escalade de conflits entre communautés. La majorité des personnes déplacées dans tous les sites est constituée de femmes et d’enfants. » Et comme à Yirgou, ces attaques font des milliers de déplacés qui trouvent refuge à Arbinda et Foubé

Si les déplacés de Barsalgho sont pris en charge par sous la conduite du CONASUR, à Foubé et Arbinda, la situation est toute autre. En effet, la prise en charge est balbutiante et insuffisante.

La mission avait donc pour objectifs entre autres d’identifier les axes d’intervention prioritaires par secteur pour répondre aux besoins urgents des populations déplacées et des populations installées sur les 4 sites, de collecter et analyser les informations sur la situation humanitaire y compris les actions en cours par secteur et la situation sécuritaire qui prévaut dans la localité et dans le camp, d’évaluer avec les autorités locales, les capacités de réponse disponibles et identifier des stratégies de coordination multisectorielle de l’aide humanitaire, d’évaluer les contraintes d’accès dans les localités d’installation des camps et de recenser avec tous les acteurs les pistes de solutions pour faciliter le dialogue entre les communautés et un règlement pacifique du conflit.

Proportion et nombre de personnes touchées par la crise

Dans les zones visitées par la mission, la crise a un impact sévère sur les populations. Les données provisoires recueillies sont : Barsalgho : 965 personnes dont 175 ménages, 243 femmes 175 hommes, 177 enfants de moins de 5ans, 370 enfants de plus de 5 ans ; Foubé : déplacés internes estimés à 5008 personnes ; Arbinda : déplacés estimés à 3928 personnes soient 556 ménages accueillis à 80% dans les familles hôtes.

Au moment de la visite d’évaluation, la population dans le besoin était estimée à 10 693 personnes. Mais sur tous les sites visités, l’afflux se poursuit quotidiennement.
La mission a mené une évaluation multisectorielle. Le premier secteur concerne celui de la santé.

Sur ce point, il ressort que la situation sanitaire demeure préoccupante. La mission a noté le manque de médicaments, notamment la forme pédiatrique de certains médicaments pour les enfants (amoxicilline, érythromycine et paracétamol par exemple), ainsi que la récurrence des maladies diarrhéiques et les infections respiratoires. Le statut vaccinal des enfants n’étant pas connu, la mission note qu’il est urgent de procéder à leur vaccination surtout contre la rougeole pour éviter une épidémie.

A Arbinda, il ne se pose pas un problème de personnel mais, la mission note de sérieux problèmes d’infrastructures d’accueil, d’hospitalisation, d’isolement, de consommables, d’équipement et des ruptures de médicaments et de kit d’accouchement. Les produits spécifiques aux femmes et enfants sont la principale préoccupation. Il y a un difficile accès aux soins et les soins sont payants pour une population déplacée et qui a tout laissé derrière elle. Par ailleurs, l’évacuation des cas urgents est souvent impossible car la commune ne dispose pas d’ambulance.

Eau, hygiène et assainissement

Sur ce point, le rapport note que l’approvisionnement en eau est problématique aussi bien à Barsalgho, à Arbinda et à Foubé. L’eau est fournie à Barsalgho et à Foubé par citerne. Elle est insuffisante et surtout n’est pas traitée, ce qui fait craindre le risque de maladies hydriques. Quant à Arbinda, les déplacés sont obligés d’acheter l’eau à des prix souvent exorbitants. Le bidon de 20L qui coûte 20 F à la borne fontaine et peut atteindre 100 F CFA chez des revendeurs ambulants. Un prix qui n’est pas à la portée des déplacés.

Pour ce qui concerne l’hygiène et l’assainissement, seul le site de Barsalgho possède des latrines séparées pour homme et femme. Foubé ne disposait d’aucune latrine lors de la visite de la mission. Situation identique sur les sites de déplacés à Arbinda où il n’y a ni douches, ni latrines et où la défécation à l’air libre est pratiquée. On note également une absence de pots de défécation pour les enfants et de dispositifs de lavage des mains.

« D’une manière générale et pour les trois sites de Barsalogho, Foubé et Arbinda, il est urgent de renforcer les dispositifs actuels d’approvisionnement en eau potable, de mettre en place les infrastructures d’assainissement et de lancer les campagnes de sensibilisation à l’hygiène. Ces actions doivent être accompagnées de distribution des kits d’hygiène », note le rapport.

Education

Dans la commune de Barsalogho, on note 20 écoles fermées dans la CEB de Barsalogho 2, avec plus de 3000 enfants hors école. Les enseignants des écoles fermées se sont repliés soit à Barsalogho ville ou à Kaya. Au total, le site des IDP compte 27 élèves dont 26 au primaire et 1 au secondaire. A Foubé, beaucoup d’enfants sont scolarisés, malheureusement les écoles sont occupées par les déplacés. Toutes les écoles sont fermées dans les environs et les enseignants se sont repliés sur Barsalogho et Kaya. A Arbinda, ce sont environ 1132 élèves (647 au primaire et 485 au secondaire) provenant des ménages déplacés, qui sont déjà enregistrés. Mais le rapport note que suite à l’attaque de Gassiliki, les vagues arrivant à Arbinda comportent beaucoup d’enfants d’âge scolaire qui n’ont pas encore été intégrés dans le dispositif éducatif de la commune, celle-ci étant débordée.

« Pour tous les sites, Il y a un besoin urgent de mettre en place environ 70 à 80 tentes-classes pour au moins 5000 élèves du préscolaire, primaire, post-primaire et classes passerelles dans les camps ou écoles fonctionnelles des localités d’accueil pour renforcer leurs capacités d’accueil(...) Il s’avère également nécessaire de renforcer les capacités des enseignants en gestion psychosociale des enfants, en gestion des risques et en éducation à la paix. Des formations de courtes durées à l’endroit des adolescents et jeunes hommes/femmes dans des domaines agro-sylvo—pastorales s’avère nécessaires pour soutenir le relèvement économique des familles meurtries. »

Protection de l’enfant

La mission d’évaluation a recensé quelques problèmes de protection des enfants sur les trois sites visités. Parmi ces problèmes, la perte de documents civils (pièces d’identités et actes de naissance) de certains déplacés, un nombre important d’enfants orphelins, de personnes âgées, de femmes seules et d’enfants malnutris, un grand nombre d’enfants séparés ou non accompagnés, des traumatismes liés à la perte humaine et des biens, etc.

Sécurité alimentaire et nutrition

Sur ce point, la mission a noté que la situation nutritionnelle des enfants de moins de cinq ans, des femmes enceintes et des femmes allaitantes est préoccupante. A Barsalgho, les déplacés ont accès aux repas, même s’ils ne sont pas adaptés à leurs habitudes alimentaires. A Arbinda, seuls quelque 323 personnes sur plus de 5000 bénéficient de la distribution des vivres de l’action sociale. Quant à Foubé, la situation est un peu plus préoccupante. Les déplacés peinent à se nourrir (à peine un bon repas par jour) et aucune distribution de vivres n’était prévu au passage de la mission d’évaluation.

A l’issue des constations, la mission d’évaluation a fait des recommandations spécifiques pour chacun des sites visités. Mais l’on retient surtout que la mission préconise à long terme de renforcer les mécanismes d’alerte précoce et de résolution pacifique des conflits au niveau communautaire au niveau national et de mettre en place des programmes d’éducation à la paix et de promotion de la culture de la paix sur le plan national.

Synthèse de Justine Bonkoungou
Lefaso.net

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