Déplacés réfugiés à Pissila (Sanmatenga) : « Nous ne voulons pas être des éternels assistés »

Publié le mercredi 3 juillet 2019 à 19h19min

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Déplacés réfugiés à Pissila  (Sanmatenga) : « Nous ne voulons pas être des éternels assistés »

Ils sont nombreux, les Burkinabè à avoir abandonné villages, biens et activités pour des endroits plus sécurisés, suite aux attaques terroristes. Dépaysés, ces déplacés qui survivent grâce aux actions de bonnes volontés, ne souhaitent qu’une chose : retrouver leur sécurité d’antan. C’est le triste sort des déplacés réfugiés à Pissila, dans le Sanmatenga.

« Maman, j’ai faim », insiste le petit Issa, originaire du village de Kiemna-yarcé, localité située à environ 17 km de Pissila. Issa tend un plat à sa mère Maïmouna, qui s’attèle à préparer du tô. À la date du 2 juillet 2019, cela faisait six jours que le jeune Issa et sa mère ont élu domicile dans cette école de Pissila, commune située à 27 km de la ville de Kaya (province du Sanmatenga, région du Centre-Nord).

Dans cette école, où Maimouna et les autres sont relogés, des visiteurs, à l’image du député Mathias Ouédraogo de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), membre de la Commission chargée du développement économique (CODEC) de l’Assemblée nationale, sont les bienvenus. Surtout, lorsqu’ils viennent les bras chargés de vivres pour soutenir près de 12 000 déplacés. « Nous sommes venus soutenir ces familles dans les moments difficiles qu’elles traversent et appeler le gouvernement à plus de responsabilités pour que ces familles puissent regagner leurs domiciles », a expliqué Mathias Ouédraogo.

« Si l’eau n’est plus potable, c’est qu’un corps étranger y est tombé »

Loin de leurs champs, greniers et commerces, ces ressortissants des villages de Guibga, Talwéoguin, Wintogkoulga, Parsingin, Kiemna-yarcé (…) savent apprécier à sa juste valeur, ce don composé de 40 sacs de riz, 40 sacs de maïs, d’huile, de sel et de sucre. Toutefois, disent-ils, « notre souhait est que le gouvernement ait les moyens de subvenir à nos besoins de sécurité. Nous voulons retrouver notre cohésion d’antan ». Et leur porte-parole, P.S., de renchérir : « Si l’eau n’est plus potable, c’est qu’un corps étranger y est tombé et il faut le retirer. Nous demandons à l’État de nous retirer ce corps étranger qui trouble notre cohésion. »

En attendant, P.S., exaspéré, est convaincu qu’il est temps de doter les populations du minimum de réflexes sécuritaires car, pense-t-il, en plus des Forces de défense et de sécurité, cela pourrait aider dans la lutte. « Nous sommes conscients que le gouvernement ne peut pas prendre en charge tout ce monde pendant une longue durée. Nous souhaitons donc repartir dans nos villages, mais il faut une présence militaire (camp). À défaut, nous voulons des armes pour nous défendre », confie-t-il.

« Ils ont tué mes deux frères »

Le 7 mai 2019, se rappelle B.B., le marché de Kiemna-yarcé a été encerclé par des hommes armés. « Certains d’entre nous ont pu s’enfuir et ont donné l’alerte à Kaya. Les FDS (Forces de défense et de sécurité) sont intervenues et ont pu mettre la main sur certains assaillants qui avaient, semble-t-il, stocké des armes dans une famille et avaient l’intention d’attaquer Kaya le lendemain », a-t-il témoigné.

Il précise que « le chef de famille a été neutralisé et un membre de la famille a confirmé l’existence d’armes dans la maison. » Quelques jours après, B.B. et sa famille ont quitté le village après l’assassinat du maire et d’un chef Koglwéogo (groupe d’auto-défense).

O.T., lui, a perdu deux frères après le passage des terroristes. « De retour du marché, j’ai entendu les pleurs des femmes qui m’ont demandé de m’enfuir en indiquant que le village est attaqué par des hommes armés qui ont tué leur mari. Dans la même nuit, ils ont tué le maire et le lendemain, ils sont revenus enlever le chef des Koglwéogo. C’était une mort cruelle : il a été attaché, traîné dans un village qui avait été auparavant attaqué, puis égorgé », raconte-t-il.

Depuis lors, la quiétude des populations est mise à mal dans cette partie du territoire et les villages ne cessent de se vider. Conscients qu’ils ne peuvent pas vivre aux crochets du gouvernement et de leurs proches, ces déplacés nourrissent l’espoir de retourner un jour, et le plus rapidement possible, dans leur village d’origine.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

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